A 700 € /mois, la misère des chauffeurs de l’Est

Les véhicules utilitaires légers venus de l’Est contournent la législation du transport. Salaires de misère. Les sociétés de transport galèrent avec cette concurrence illégale. Reportage chez Tremblaye au Mans.

Les transporteurs sont dans le rouge. Tandis qu'ils doivent s'accomoder d'une réglementation draconienne, ils voient la concurrence illégale exploser sur les routes. Leur index se pointe vers l'Est, d'où arrivent des norias de « VUL » (Véhicules utilitaires légers).

« Vous savez comment ça se passe, explique Hervé Tremblaye, patron d'une société de transport de 350 personnes et 700 cartes grises. La nuit, sur les aires d'autoroute frontalières, arrivent des camions de l'Est. Ils répartissent leur cargaison dans des 'VUL' ». Transfert sans aucune sécurité, à la main. Les camionnettes repartent et filent sans aucune législation à destination »Souvent en surcharge: mais les moyens de pesage pour les contrôles sont rares. Selon les professionnels, il n'y en aurait qu'un dans les Pays de la Loire.

« Le bulgare encore moins cher »

Chargé à l'Assemblée nationale de la mission « véhicules utilitaires légers », le député (LREM) Damien Pichereau) est venu prendre la température du problème chez Tremblaye. Une trés grosse entreprise de transport du Mans. « Dans le transport, 40% du coût, c'est le conducteur, explique Hervé Tremblaye. Les conducteurs de l'Est, c'est 700 € pour un Roumain par mois quand nos conducteurs nous coûtent jusqu'à 4 000 €. Et les Bulgares sont encore moins chers! »

Le dimanche, il suffit parfois d'aller sur l'aire d'autoroute Le Mans Nord, pour retrouver des conducteurs venus de l'Est, en attente de l'ouverture de l'entreprise à livrer le lundi matin. Le week-end, c'est réchaud à gaz et musique slave, sur un coin de trottoir à deux pas du péage, avec vue imprenable sur la quatre voies. Vie de m...? A 700 €, dans les Pays de l'Est, c'est déjà un beau pactole.

200 000 km en un an!

« Ces  'VUL'  venus de l'Est n'ont pas de tachigraphe. Nous, nous sommes astreints à un temps de conduite maximum de 4 heures 30, puis 45 minutes de pause. Les camionnettes de l'Est n'ont aucune limite, dimanche compris. On en a trouvé une qui avait au bout d'un an 200 000 km au compteur. »

Gilles Tremblaye, qui gère toute la partie déménagements chez Tremblaye (100 personnes, 5 M€ de chiffre d'affaires), rêve d'une législation qui lui permettrait avec un simple permis d'emporter une charge utile de 2,5 tonnes dans des véhicules légers articulés. « C'est possible », explique-t-il, et cela armerait son entreprise « contre la concurrence illégale des Pays de l'Est avec des surcharges permanentes des utilitaires. L'actuelle législation, en France, oblige à passer des permis E pour augmenter la charge transportée. Des mois de formation, des surcoûts, et surtout des utilitaires de l'Est qui trichent et « tuent peu à peu une profession ».

Cherche 25 chauffeurs par an

Sans parler de l'extrême difficulté à trouver des chauffeurs: « En France, il manque 26 000 emplois. Moi, j'aimerai recruter 25 chauffeurs par an. J'ai mon propre centre de formation. Mais je suis content quand j'arrive à en avoir 11 par an. Pour en arriver là, il a fallu voir une centaine de candidats. Recruter, ça occupe 70% de mon temps ».

 

Lien vers article OUEST FRANCE du 17/04/2018

 

Mercredi, 18 avril, 2018

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